vendredi 5 novembre 2010

Magma de Pierre Vinour

Sortie le 17 Novembre 2010.


L’ouverture, qui suit une voiture sur une grande route au milieu de paysages titanesques, rappelle Shining. Cette analogie n’est pas incongrue, puisque le premier plan en intérieur montre deux ascenseurs, semblables à ceux de l’Overlook Hotel. Alors que s’échappaient des litres de sang chez Kubrick, Pierre Vinour choisit de faire sortir un homme, le personnage principal, Paul Neville, ce qui pourrait revenir au même alors que rien ne s’est encore passé. Paul, tout comme Jack Torrance, appellera sa famille, mais cette fois-ci grâce à un système de vidéosurveillance sur son ordinateur portable. Agoraphobe, isolé et dans un espace trop grand pour lui (l’Auvergne et ses volcans), il trouvera le réconfort auprès de sa voisine de chambre, une mystérieuse espagnole qui cherche tout comme lui à changer de vie. Bientôt amants, ils chercheront à partir ensemble, jusqu’au jour où la jeune femme disparaît aussi brutalement qu’elle est apparue. Le second long-métrage de Pierre Vinour serait brillant s’il avait été réalisé par un lycéen ayant opté pour l’option cinéma au baccalauréat. Malheureusement, Pierre Vinour n’a plus dix-sept ans, et de toute manière, seuls les courts-métrages n’excédant pas une dizaine de minutes sont autorisés. Tout est superflu par rapport à une séquence qui se trouve dans le premier tiers du film, et qui est de toute beauté : le premier contact physique entre Paul et la femme espagnole. Au milieu de massifs montagneux, la femme apparaît alors elle aussi comme une montagne[1], caressée par les lèvres de Paul, ses mains, son souffle. Vinour réussit l’exploit de conférer à une séquence en plein air le désir entre deux regards, l’intimité entre deux souffles, la passion entre deux baisers. Cet instant, trop court pour ce qu’il montre – la libération des deux êtres enfermés, l’exaltation des muets, l’anéantissement des non-dits – est aussi mis en valeur par la médiocrité de ce qui précédait, et surtout de ce qui suivra. Car l’erreur fatale du cinéaste est de se montrer trop démonstratif, trop grossier pour être pris au sérieux. Deux exemples. Lorsque Paul et sa maîtresse se rendent près d’une chute d’eau, le premier plan de la séquence montre un panneau « Danger de mort » avant d’effectuer un panoramique vers la voiture du couple qui arrive. Plus alarmant encore, la séquence de nuit au téléphone entre les deux amants, qui « font l’amour par téléphone » : la grossièreté est alors à son paroxysme, puisque d’un côté nous voyons la femme mettre la main dans sa culotte, et de l’autre Paul se masturbant sous son drap, avec en amorce une bosse formée par son sexe. Nous sommes alors gênés par ce qui nous est montré, mais aussi et surtout par le manque de délicatesse dont fait preuve le réalisateur dans la composition de ses plans. Si la gêne n’était que visuelle, Magma ne mériterait pas son statut de film raté. La part sonore du film, sensée être véritablement travaillée et aboutie, donne davantage l’impression qu’un mauvais concert, ou plutôt, que les répétitions d’un mauvais concert, perturbent la bonne projection de l’œuvre. Les cymbales claquent n’importe quand, l’angoisse de Paul, sensée naître à la vue de paysages immenses, est alors matérialisée par des attaques sonores stériles, comme si le montage ne recelait, aux yeux du cinéaste, aucune force. A défaut d’être mélodique, le film est véritablement cacophonique tant les répliques des personnages sonnent faux dans la bouche d’acteurs sans doute talentueux chez d’autres. Le flash-back dans l’enfance de Paul semble être une mauvaise parodie du final de Marnie d’Hitchcock ; de ce film, Vinour n’a retenu que la fadeur des couleurs, en oubliant au passage que cet effet avait pour but de mettre en valeur le rouge, c’est-à-dire, la couleur du sang et du traumatisme. Si l’on essaye de supprimer les défauts, les longueurs et les lenteurs du film, il ne resterait qu’une seule séquence, celle des premiers baisers entre Paul et la mystérieuse espagnole. Certes, le film ne durerait qu’une minute, mais il ferait un excellent court-métrage, et Vinour aurait pu recevoir les compliments de Truffaut qui vantait chez Vigo son talent pour filmer la peau, ainsi que les félicitations du jury au baccalauréat pour son brillant et sensible film « qui se démarque singulièrement de ce qu’ont fait les autres élèves de sa classe ». Ce qui n’est pas rien.


[1] Quelques plans avant, sa tête était filmée, de dos, semblable à une montagne qui se hisse au ciel blanc de l’Auvergne.




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