Un film français jeune fait un triomphe en 1959 au Festival de Cannes: il s'agit des Quatre Cents Coups de François Truffaut. Le film sort en Juin et Jean-Luc Godard s'apprête à présenter à son tour son film A Bout de Souffle. Avant lui, Jacques Rivette et Claude Chabrol étaient passés à la réalisation...Il reste donc un "jeune turc", Eric Rohmer, qui a réalisé son premier long-métrage avec l'argent de son ami Chabrol, mais le film reste bloqué jusqu'en Mai 1962...La Vague était passée, sans lui...Un peu comme le personnage de Pierre, avec la chance qui l'abandonne pour revenir à lui plus tard. Ce qui est formidable dans ce film, c'est ce personnage fainéant qui, dès qu'il entreprend d'agir, s'octroiera systématiquement des ennuis et lorsqu'il se décide à exercer son métier de violoniste, un ami le reconnaît et lui annonce qu'il est milliardaire pour de bon. Ce dénouement heureux, qui fait suite à une errance semblant être infinie, est opposé à celui d'A Bout de Souffle. L'autre opposition vient du fait que ce dernier est un film moderne alors que le premier est classique. Comment cela se traduit esthétiquement? Par des fondus enchaînés, qui créent une relation de cause à effet. Ici, tout acte de Pierre est sanctionné (par exemple le fait de sortir de sa chambre d'hôtel rappelle au propriétaire qu'il ne l'a pas payée. Pierre est condamné à changer d'hôtel. Fondu enchaîné sur le musicien qui cherche un endroit où dormir. Ou encore le vol du paquet de biscuits au marché vaudra à Pierre de se faire frapper devant tout le monde. Fondu enchaîné sur Pierre qui s'exile de la foule et qui affirme: Saleté de Paris!). Seul son devoir face à la société est récompensé: celui de jouer du violon. Ainsi, l'ironie de Rohmer est au service d'une critique insolente envers la droiture de l'état gaulliste et c'est peut-être la raison pour laquelle le film mit autant de temps à sortir...Montrer un marginal, à la manière de Pierrot comme le fera Godard six ans après ou comme l'a montré Céline en 1932 avec son personnage de Ferdinand ne plaît pas au public. Seul le temps permet à cette marginalité de devenir conformiste et, finalement, appréciée de tous. Il faudra encore attendre pour Le Signe du Lion...
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