samedi 7 novembre 2009

Persona d'Ingmar Bergman

Oeuvre expérimentale, Persona est le film de toutes les oppositions: Alma l'infirmière parle alors qu'Elisabeth l'actrice est muette, l'une est infirmière et l'autre est sa patiente, l'une a les cheveux courts et l'autre a les cheveux longs, lorsque l'une s'habille en blanc, l'autre s'habille en noir, lorsque l'une esquisse un sourire, l'autre sourit franchement, lorsque l'une est debout, l'autre est allongée, lorsque l'une porte un chapeau, l'autre est tête nue, lorsqu'une partie du visage est dans l'ombre, l'autre est à la lumière... Une photo très célèbre d'un enfant juif levant les mains dans le ghetto de Varsovie fait l'objet d'une autre opposition: le petit enfant est victime de la barbarie mais si l'on resserre le plan, on arrive à voir ce même enfant faire le salut nazi...Troublante démonstration de la force de l'oeil du Cinéaste.Toutes ces oppositions, importantes ou pas, font la force majeure du film...La scène finale est étonnante de perfection et d'audace: Alma et Elisabeth se confrontent et l'infirmière explique le passé d'Elisabeth avec son enfant qu'elle n'a jamais voulu avoir (il faut savoir qu'Alma a elle-même avorté...). Le champ/contre-champ est unique: la caméra est focalisée sur Elisabeth, Alma est en voix-off, des raccords dans l'axe avant resserrent le plan et la tension (Cette scène m'a d'ailleurs rappellé la scène finale de Psychose, avec un Anthony Perkins qui se révèle être choquant)...Puis on revoit la même scène en contre-champ: la voix d'Alma est audible, ses lèvres bougent et pourtant ce n'est pas elle qui parle: il s'agit d'après moi d'une voix dite "supérieure", qui fait prendre conscience à Elisabeth de son crime, son manque d'amour envers son fils...Lorsque beaucoup plus tôt dans le film, Alma évoque son avortement, était-ce bien elle qui parlait? Ou alors était-ce l'esprit d'Elisabeth qui, réincarnée en Alma, raconte ce qu'elle aurait souhaité, à savoir, la mort de son propre enfant? La caméra resserre le plan sur le visage d'Alma qui est "mangé" par celui d'Elisabeth...Le bras de l'infirmière se met à saigner, et la patiente suce le sang tel Nosferatu, signant ainsi la mort psychique de l'infirmière et la renaissance de l'actrice.

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