Il est difficile d'aborder un film récent, surtout lorsqu'on le considère comme un chef-d'oeuvre. L'auteur est attendu au tournant, le lecteur espère une démonstration convaincante, justifiée. La perspective n'est pas la même pour un film récent, le plus actuel possible, qui n'est pas ancré entre un passé et un futur. Il faut alors se fier au film, rien qu'à l'oeuvre, au détriment d'une analyse plus générale comme on peut le faire avec des chefs-d'oeuvre reconnus par tous. L'auteur du texte est également privé d'une analyse de l'impact du film sur la production de son pays par exemple...L'entreprise est donc risquée car limitée. Pourtant, il arrive d'être emporté par la justesse d'un film, son intelligence et sa fraîcheur. C'est le cas de Two Lovers; en étant profondément marqué dans le "film romantique", il arrive non pas à briser les codes mais à en créer d'autres, ce qui mérite davantage de louanges. Two Lovers est tout sauf un film d'amour(s) ou sur l'amour; il est un film sur l'attirance entre les êtres, leurs déchirements intérieurs et sentimentaux. C'est là son immense force, puisque la pertinence du cinéaste sur le "film romantique" ouvre de nouvelles voies à un genre qui n'est pas entrain de mourir mais qui est déjà mort. Dès lors, Two Lovers sonne comme une renaissance, un nouveau souffle, inespéré. Le personnage de Leonard est profondément attiré par la mort et par les nouvelles rencontres. Ce n'est donc pas un hasard si il se jette d'un pont, il va au contact de l'eau pour s'y noyer. Il ne faut pas non plus voir de coïncidence lorsque Leonard envoit un sms à Michelle, en l'observant depuis sa fenêtre; il s'agit pour lui d'une nouvelle rencontre et la phobie de la monotonie apporte de lourdes conséquences pour la gestion de l'espace dans le film: l'appartement de Leonard ne se réduit plus qu'au palier de la porte d'entrée et à sa chambre...Le salon, où règnent les parents, donc la monotonie, disparaît très vite dans le film. Ils ne finissent plus que par représenter une source de lumière sous la porte. Il n'y a par ailleurs rien de surprenant à ce que Leonard revienne à l'eau à la fin du film, comme pour achever un cycle, celui de sa vie, entamée, pour le spectateur, au premier plan, près du lac qui sert de décor à sa tentative de suicide. Eternellement attiré par la mort, par le statisme, le troublant personnage est paradoxalement en mouvement, en marchant dans sa chambre, dans un escalier, une voiture ou un métro. Le terrible cynisme du film atteint son paroxysme dans les deux dernières minutes: Leonard entame une course folle à travers la plage pour échapper à son destin, à sa famille, à la monotonie évoquée plus haut. Cependant il revient, dans son foyer, et scelle son propre avenir en s'enfermant dans les bras de sa future femme, Sandra, dans uneprison d'amour. Il capitule, par manque de perspective. Pour certains, il s'agit d'un assagissement, d'une lucidité retrouvée, pour d'autres, cet acte est vu comme une défaite, un emprisonnement. Leonard est recueilli par sa femme mais abandonné par la caméra, qui, avec un lent travelling arrière, le condamne , contrairement aux autres films romantiques qui optent tous pour un abandon des personnages puisqu'ils sont désormais épanouis dans leur liaison.
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