samedi 7 novembre 2009

M le Maudit de Fritz Lang

Ce chef-d'oeuvre de Fritz Lang traite d'un sujet polémique avec une telle finesse qu'elle parait aujourd'hui grossière, tant elle fut reprise dans d'autres films, à l'image de l'ombre du tueur recouvrant le visage de sa future victime. Le scénario, d'une terrible ambiguité, fait penser au spectateur que Lang dénonce les méthodes terroristes des nazis pour faire s'accroître les suspicions entre voisins autrefois amis, aujourd'hui perdus. Mais comment interpréter la réplique finale: Il nous faudra davantage veiller sur nos enfants... lorsque le tueur est remis aux autorités "compétentes"? Serait-ce une remise en cause du système judiciaire, au profit de vendettas populaires? Le débat reste ouvert...Autre cliché aujourd'hui, mais magistralement utilisé par Lang: l'art de la litote; un ballon qui roule derrière un buisson, le spectateur a compris qu'un crime vient de s'y dérouler...Cette finesse de la mise en scène se retrouve aussi dans l'art de dilater le temps; la séquence d'ouverture est poignante: une mère attend au foyer sa fille qui sort de l'école. Avec la transgression de la règle des 180°, laquelle nous montre la personne inquiétée de dos, pour mieux filmer l'idée qu'elle a derrière la tête, et le silence on ne peut plus pesant, chaque raccord peut être une délivrance (malsaine) pour le spectateur, lequel attend fatalement le sort de la jeune fille, abordée par une étrange silhouette...Le plan en plongée totale sur l'escalier de l'immeuble est saisissant d'horreur: l'ombre des fenêtres répercutée aux différents étages forme une croix; Lang est le seul cinéaste à filmer un escalier comme il filmerait un cimetierre. Il est aussi le seul à filmer de la même manière les policiers et les bandits, le Bien et le Mal. Cette frontière manichéene n'existe plus; le montage alterné et en parallèle de la séquence des concertations entre organisations est merveilleuse d'invention et de gestion du rythme: lorsque qu'un bandit s'assied, un policier se lève de sa chaise, les deux organisateurs des rencontres exécutent le même mouvement de bras. Tout fonctionne par écho dans la tête du spectateur, qui ne devra même pas mettre en rapport deux images entre elles comme chez Resnais, mais simplement saisir ce rapport établi par le réalisateur. L'unique rapport à effectuer peut tendre vers de l'interprétation mais il parait si évident que personne ne manquera de voir les mêmes mimiques chez les bandits, les policiers...et Hitler; dans les paroles, dans les gestes, dans l'intonation: tout se réfère à l'Horreur de la répression et de la démence exterminatrice. La force du long-métrage ne se résume donc pas seulement à l'éblouissante interprétation de Peter Lorre mais à la vision prophétique d'un Cinéaste sur son Art et son vocabulaire: Fritz Lang est à l'égal de Renoir le Patron du Cinéma.

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